L'Allemagne cherche à entrer en contact avec Snowden, tout en s'efforçant d'apaiser les tensions avec les Etats-Unis sur les accusations d'espionnage. Berlin a de nouveau exclu catégoriquement mercredi la possibilité d'accueillir Snowden sur son territoire, malgré des demandes en ce sens de responsables de l'opposition.

Un tel scénario placerait le gouvernement allemand sous la pression des Etats-Unis pour l'extrader, au risque de provoquer un scandale en Allemagne. Mercredi, la commission parlementaire qui chapeaute les services secrets a décidé «à l'unanimité» de demander au gouvernement allemand «de vérifier dans quelle mesure Edward Snowden peut être auditionné à Moscou sans le mettre en difficulté», a déclaré son président, Thomas Oppermann (social-démocrate).

Des responsables allemands souhaitent entendre l'ancien consultant de l'agence américaine NSA depuis qu'il a fourni à la presse des documents laissant penser que le téléphone portable de la chancelière Angela Merkel était espionné par les Etats-Unis. Ces révélations ont provoqué une crispation des relations entre ces deux grands alliés historiques.

Le ministre allemand de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich (conservateur), a indiqué mercredi qu'il allait «étudier», au sein du gouvernement, la possibilité d'une audition de Snowden en Russie.

Le gouvernement allemand embarrassé
Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, a exprimé un soutien timide à cette idée. «Si une audition de M. Snowden, que ce soit par des représentants du Bundestag (chambre basse du parlement) ou du Parquet fédéral en Russie était jugée utile, le gouvernement allemand soutiendrait cette idée, dans la limite de ses possibilités», a-t-il affirmé.

Embarrassé par un dossier qui touche une corde sensible dans l'opinion allemande, et le pousse à prendre l'affaire au sérieux, Berlin s'efforce de ne pas froisser Washington. Faire venir Snowden en Allemagne est «hors de question» et ça le restera tant que «nous ne pouvons pas lui donner des garanties qu'il ne sera pas extradé» vers les États-Unis où il est recherché, a reconnu M. Oppermann.

«Edward Snowden est accusé d'avoir livré des informations secrètes», a d'ailleurs plaidé le secrétaire d'Etat américain John Kerry dans le quotidien Bild à paraître jeudi, réclamant qu'il soit «transféré aux Etats-Unis où (le) système judiciaire lui garantit un procès juste».

Des députés de l'opposition allemande, notamment l'écologiste Hans-Christian Ströbele, qui a rencontré Snowden en Russie en fin de semaine dernière, militent pour que Berlin lui accorde l'asile politique. L'Allemagne devrait montrer sa gratitude envers Snowden car «sans lui le portable d'Angela Merkel serait encore sur écoute», affirme-t-il.

Mais le gouvernement allemand justifie son refus par les répercussions négatives que cela aurait sur ses relations avec les États-Unis.

L'Allemagne tient à ses relations avec les USA
Pour Berlin, les relations transatlantiques ont «une valeur incommensurable» du point de vue de la sécurité et de la politique étrangère, a répété mercredi M. Seibert.

Lundi, il avait souligné qu'il «n'y a guère de pays qui ait autant profité de cette alliance (avec les États-Unis), de cette amitié que l'Allemagne. Nous agissons en ayant cette alliance à l'esprit. Nous l'avons toujours fait dans le passé, et cela guidera la chancelière dans ses décisions à venir».

Berlin souhaite cependant conclure avec Washington un accord interdisant l'espionnage réciproque entre les deux pays. Le ministre à la Chancellerie, et à ce titre autorité de tutelle des services secrets, Ronald Pofalla, a informé la commission parlementaire sur l'avancement des négociations dans ce dossier.

Devant la presse, il a jugé qu'il s'agissait d'une «chance unique de rétablir la confiance perdue» entre les deux partenaires. Mardi, le ministère allemand des Affaires étrangères avait «invité» l'ambassadeur britannique à s'expliquer, après des informations de presse évoquant un système d'espionnage dans la représentation de son pays à Berlin.

La rencontre, qui a duré une demi-heure a donné lieu à "un dialogue, comme il y en a entre des partenaires qui ont une relation fondamentalement amicale et étroite", a commenté mercredi le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Martin Schäfer, toujours sur le mode de l'apaisement.