Acculé par les journalistes au sortir de la séance de clôture des travaux du Parlement, Chakib Khelil, visiblement irrité, n’a pas trouvé mieux que de s’autoproclamer partie prenante du “clan présidentiel”. Voilà un ministre de la République qui reconnaît publiquement l’existence de clans au sein du pouvoir. Il se définit lui-même faisant partie du clan présidentiel et affirme que ni lui ni son clan ne se sentent visés par le scandale qui éclabousse Sonatrach dont il est le premier responsable. La thèse du complot et de la guerre de clans est alimentée sciemment par le ministre, qui semble en mal d’arguments pour défendre les cadres dirigeants de la Sonatrach incriminés dans ce scandale.

Chakib KhelilMais pourquoi Chakib Khelil évoque-t-il le clan présidentiel ? Veut-il l’impliquer dans le scandale ? Ou cherche-t-il à insinuer que son sort est lié à celui du clan dont il se revendique ? Une allusion qui risque de faire grincer des dents du côté de la présidence, surtout que le président Bouteflika est connu pour son allergie à ces questions de régionalisme et de clanisme dont certains s’évertuent à en entretenir l’existence à des fins politiciennes. S’accrochant à la thèse selon laquelle les cadres dirigeants de la Sonatrach et leur progéniture sont présumés innocents jusqu’à ce que la justice rende son verdict, le ministre semble ignorer que le maintien des personnes incriminées sous contrôle judiciaire ou sous mandat de dépôt confirme que de sérieuses charges pèsent sur elles et que l’enquête pourrait révéler des dépassements encore plus graves.

D’ailleurs, les interpellations de cadres à Oran, au sujet du fameux sommet du gaz et tout ce qu’il a impliqué comme dépenses faramineuses, n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Si l’on ajoute la contribution d’un ancien vice-président de Sonatrach qui affirme que l’affaire actuelle ne constitue qu‡’une partie visible de l’iceberg de la corruption dans le secteur, on comprend aisément que les enquêteurs sont loin d’avoir tout découvert, tout révélé dans ce qui s’apparente à une boîte de Pandore. Chakib Khelil, qui avait dirigé la Sonatrach un certain temps, se défend, présentement, d’être le premier responsable de la boîte, arguant du fait qu’il est ministre de l’Énergie et des Mines et qu’il a sous sa coupe une cinquantaine de grandes entreprises.

Le ministre, qui avait affirmé que Sonatrach allait défendre ses cadres incriminés, ne sait plus, actuellement, sur quel pied danser. Faut-il que le groupe se constitue partie civile ? À cette question, Chakib Khelil renvoie la balle aux responsables de Sonatrach, et “c’est à eux de se débrouiller”.

Une position ô combien ambiguë, dans un scandale qui met, pourtant, la première entreprise du pays dans de beaux draps. Comment expliquer cette attitude sinon par la fuite en avant ? Qui devrait se plaindre, hormis Sonatrach et sa tutelle, de cette affaire qui les secoue ? Est-ce une façon de cacher l’échec des organes de contrôle internes dans la découverte de ce scandale ? Bien sûr, le ministre trouvera en la presse le bouc émissaire idéal, comme si cette dernière était partie prenante dans le scandale. La presse a relaté les éléments d’enquête en sa possession. Elle n’a pas été juge ni partie dans cette affaire. Si elle avait les moyens de faire des investigations plus profondes, elle aurait certainement découvert des dépassements encore plus graves.

La contribution d’un ancien vice-président de la Sonatrach, publiée par notre confrère El Watan, a donné quelques pistes supplémentaires aux enquêteurs et prouvé que Sonatrach couve des scandales beaucoup plus graves que de simples passations de marchés. Mais Chakib Khelil persiste à ne voir que sa personne en dédaignant le reste du monde : “Tout le monde connaît Chakib Khelil, mais qui connaît Hocine Malti ?” Le ministre de l’Énergie et des Mines aurait pu suivre l’exemple de son collègue des Travaux publics, dans le scandale de l’autoroute Est-Ouest. Il a choisi de se défendre maladroitement en impliquant, à présent, le clan présidentiel. Est-ce une façon d’agiter un épouvantail ? Ou une manière d’appeler le Président à son secours ? L’affaire de Sonatrach n’a pas fini de faire des vagues et il est à présent certain que, quelle qu’en soit l’issue, Chakib Khelil ne sera pas épargné.