Le Venezuela a perdu ce mardi son «Comandante», au bout d'une longue lutte de deux ans contre le cancer. Après quatorze années de pouvoir, Hugo Chavez a définitivement tourné la page de la «Révolution bolivarienne». Né en 1954 dans une famille d’instituteurs, il suit d’abord une formation en Sciences et Arts militaires à l’Académie militaire du Venezuela, puis en Sciences Politiques à l’Université de Caracas. Dans les années 70, il intègre l’armée vénézuélienne et devient lieutenant-colonel. Inspiré par les thèses du général Simon Bolivar (libérateur au 19e siècle des colonies espagnoles d'Amérique du Sud), il fonde un réseau socialiste clandestin au sein de l'armée, le Mouvement Révolutionnaire Bolivarien (MBR-200).

En 1992, Hugo Chavez tente par deux fois de renverser par la force le président corrompu Carlos Andres Perez, mais sans succès. Il est alors emprisonné, et sera gracié en 1994. A sa sortie de prison, il fonde un parti légal, le Mouvement de la cinquième république, sur lequel il s’appuiera pour accéder au pouvoir. Sur la base d’un programme anticorruption et soutenu par une forte coalition de gauche, Hugo Chavez devient président du Venezuela le 2 février 1999, élu avec 56% des voix. Il renomme alors la République du Venezuela en République Bolivarienne du Venezuela, en faisant adopter une nouvelle Constitution.

Contre l’impérialisme américain et le néolibéralisme
Chavez mène une politique sociale, organisant notamment la redistribution des terres aux plus pauvres, qu’il finance par la nationalisation des grandes entreprises. Il est aussi très présent sur le plan international, profitant de la position du Venezuela sur le marché mondial de l’énergie (troisième exportateur mondial de pétrole et le deuxième fournisseur de pétrole des Etats-Unis), et de sa personnalité charismatique pour ridiculiser l’administration de George W. Bush et critiquer la mondialisation néolibérale. Contre l’impérialisme américain, il multiplie les accords stratégiques et économiques avec des pays d'Amérique du Sud -le Brésil de Lula, la Bolivie d'Evo Morales, la Cuba de Fidel Castro, son plus fidèle ami et allié -ainsi qu'avec des pays ouvertement anti-américains comme l'Iran, la Chine, la Russie, la Corée du Nord, ou encore la Syrie.

Le bilan de son premier mandat est jugé très bon, et Hugo Chavez est réélu le 30 juillet 2000, avec 59,5% des voix. C’est à partir de cette année que la dérive autoritaire du régime se fait de plus en plus flagrante. Hugo Chavez va ainsi se faire octroyer à plusieurs reprises par l’Assemblée nationale des pouvoirs spéciaux pour légiférer par décrets présidentiels au détriment du pouvoir parlementaire, ou encore assurer la mainmise du politique sur la justice en nommant lui-même les juges ou en leur dictant les verdicts.

Culte de la personnalité
En bon dictateur, celui qui se surnomme lui-même «El commandante» se prend également au jeu du culte de la personnalité. Les chaînes de télévision et radios d’Etat sont régulièrement mobilisées par Chavez pour répandre la bonne parole, alors qu’en parallèle les chaînes privées voient leur publicité réduite, les amendes se multiplier, ou leur programme modifié par le régime à tout moment et sans limite de durée. Chavez anime ainsi tous les dimanches depuis mai 1999 le programme Allo président, un talk-show à rallonge qui tourne uniquement autour de sa personne, où il raconte des histoires, discute au téléphone avec des «téléspectateurs», chante des chansons, moque ses ennemis ou annonce des décisions politiques.

Face à cette dérive autocratique, à partir de 2001, l’opposition se mobilise: le patronat et les syndicats vénézuéliens organisent des grèves pour manifester leur désapprobation des mesures économiques du président, mais ils sont remerciés pour être remplacés par des pro-Chavez. En 2002, une tentative de coup d’état est fomentée par Carlos Andres Perez et la CIA, mais Hugo Chavez revient au pouvoir dès le lendemain grâce au soutien de la population, acquis grâce au succès des programmes sociaux pour l’alphabétisation, la santé, la redistribution des terres, ou encore l’attribution de microcrédits.

Cancer
Une grève générale est lancée pendant l'hiver 2002-2003, et l'opposition organise également en août 2004 un référendum pour révoquer Chavez, mais il remporte le scrutin avec 59,25 % des voix, renforçant ainsi sa légitimité Le 3 décembre 2006, Hugo Chavez remporte une nouvelle fois l’élection présidentielle avec 61% des voix. En février 2009, les Vénézuéliens renouvellent leur confiance à Hugo Chavez, et la nouvelle Constitution lui permet de briguer un quatrième mandat lors des élections présidentielles d’octobre 2012, qu’il remporte encore haut la main, mais avec le plus bas pourcentage de sa carrière (54,42% des voix), signe de l’érosion du «chavisme» amorcée depuis quelques années.

Mais Hugo Chavez n’entamera jamais ce nouveau mandat de six ans: le président vénézuélien est atteint d’un cancer qui lui a valu quatre opérations entre la mi-2011 et décembre 2012 et de lourds traitements médicaux. Un peu plus d’une semaine avant l’investiture, prévue le 10 janvier 2013, le vice-président vénézuélien, Nicolas Maduro a annoncé qu’Hugo Chavez souffrait de nouvelles complications et d'une infection respiratoire après sa dernière opération en date. Il est décédé le 5 mars à 58 ans. Celui qui avait promis en cas de nouvelle victoire de rendre «irréversible la révolution socialiste» lors de son prochain mandat laisse le Venezuela orphelin, en attendant qu’un remplaçant, qui n’aura ni son charisme ni sa poigne, vienne calmer la vague d’émotion que suscite son décès.